Jusqu’à
cette année, la collection des bijoux de l’Opéra, qui passe pour être la plus
grande collection mondiale de bijoux de scène du XIXème siècle, s’apparentait
plus à un trésor mythique qu’à un beau musée d’accessoires scéniques. On l’évoquait
parfois, le plus souvent sans la connaître, car personne ne l’avait jamais vue.
Redécouverte
au début des années 1980, dans une pièce où elle dormait depuis des décennies,
cette incroyable collection fut d’abord confiée à une enseignante, Danièle
Fouache, qui était venue effectuer un stage professionnel à l'Opéra. Pendant des années, avec patience et discrétion, celle-ci s’attacha à
un fastidieux travail d’inventaire de toutes ces pièces. Les triant, les
nettoyant, les classant et, à l’occasion, les faisant restaurer par des élèves
du lycée de la bijouterie Nicolas-Flamel. Une première estimation, assez
sommaire, conclut que ce fantastique trésor contenait plus de dix-mille bijoux
de scène, pour la plupart fabriqués entre 1860 et 1930.
Déjà
vingt années s’étaient écoulées sans que cette collection unique n’attire
particulièrement l’attention. Et puis soudain, en 2004, la direction de l’Opéra
décida enfin de la présenter au public. Une exposition intitulée « L’air
des bijoux » fut organisée dans la rotonde des abonnés de l’Opéra Garnier.
Elle était composée de quatre-cents pièces choisies parmi les plus
représentatives (couronnes, diadèmes, tiares, fibules, bracelets, colliers,
etc.) A l’exception des bracelets, rassemblés dans une vitrine équipée de
présentoirs, tous les autres bijoux étaient exposés dans une immense
demi-sphère, en forme de diamant à facettes, réalisée par le verrier
Saint-Gobain et la société Veralbane. Il y avait là, suspendues au plafond, des
couronnes, des diadèmes, des tiares, de toutes dimensions, ornées de pierreries
multicolores ; et, posés à même le sol, sur un tissu blanc, des colliers,
des chaînes, des ceintures, qui scintillaient sous la lumière. En dépit d’une
publicité assez discrète, les parisiens furent nombreux à venir admirer ce trésor
qui dormait au cœur de leur Cité. Devant une affluence aussi inattendue
l’exposition qui devait durer du 3 juin au 3 octobre fut prolongée jusqu’au 3
janvier 2005.
Le rideau
tombé, tous ces bijoux de scène retournèrent dans leurs armoires et, très vite,
on oublia leur existence. Certes, Madame Danièle Fouache, qui leur avait
consacré tant de temps, continuait à les évoquer à l’occasion de conférences ou
d’articles dans des revues spécialisées, mais il était toujours impossible au
public de les approcher.
Au milieu de l’année 2011, une nouvelle exposition organisée
par l’Opéra Garnier allait à nouveau permettre de les apercevoir pendant
quelques mois. Quelques-unes des plus belles pièces seulement, principalement
des coiffes, et uniquement pour illustrer une rétrospective consacrée à
plusieurs grandes tragédiennes de l’Opéra (1875-1939).
On
peut dire que ce n’est qu’en 2016, il y a à peine un an, que cette importance
collection a pu enfin sortir de l’ombre. En effet, la Bibliothèque-Musée de
l’Opéra (rattachée à la Bibliothèque Nationale), qui en la charge, a décidé
qu’il n’était plus admissible de la laisser ainsi végéter. A l’initiative de
Guillaume Ladrange, conservateur, deux stagiaires ont d’abord été recrutées
pour s’occuper spécialement du récolement, de l’identification et du
reconditionnement des bijoux. Puis, cette année, deux décisions importantes
viennent d’être prises pour permettre au public de contempler directement ces
bijoux de scène. Depuis le printemps, un certain nombre de pièces emblématiques
sont maintenant exposées en permanence dans la galerie de la
Bibliothèque-musée, au Palais Garnier. Elles sont présentées dans une dizaine de vitrines où l’on
pouvait voir naguère des maquettes de décors un peu surannées. Mais surtout,
l’atelier photographique de la BNF a débuté une campagne visant à numériser une
bonne partie de la collection. D’ores et déjà, une douzaine de notices ont été mises en ligne sur le site de la
bibliothèque numérique Gallica. Chaque objet a été photographié sous toutes ses
faces et présenté accompagné d’une description détaillée. Une nouvelle session de numérisation vient de débuter. Elle concerne, cette fois, un plus grand nombre de pièces.
L’inventaire de la collection, toujours en cours, recense à ce
jour 3700 bijoux.
M. J.
Tous nos
remerciements à Virginie Donat, assistante de conservation, qui a eu la
gentillesse et la patience de nous présenter toutes ses activités dans le cadre
du récolement des bijoux de l’Opéra. Mais aussi pour nous avoir communiqué
toutes les informations nécessaires à cet article et fait découvrir, en même
temps, les coulisses de l’Opéra Garnier.
Large collier plastron en cuir rouge orné de perles en métal doré et gris. Motifs en métal peint orange (carrés) et bleu (ronds). Pendeloques de perles vertes, rouges, blanches et bleues avec une fleur de lotus en métal ornée d'un motif peint (circulaire bleu et orange) à chaque extrémité. Collier porté par Gabrielle Krauss, dans le rôle de Sélika dans l’opéra « L’Africaine » (1877).
Détail d’une coiffe en métal argenté ciselé et filigrané sur velours rouge, ornée de cabochons verts et de pendeloques en métal argenté. Coiffe portée dans "Le fils de l'étoile" par les douze Magdaléennes (1877).
Bustier en métal doré, orné de petits strass sertis et de d'imitations d'émeraudes et de rubis serties. Pendeloques de chaînes ornées de petites imitations d'émeraudes et de rubis. Bustier porté par Brandon dans l’opéra « Le Grand Mogol » (1895).
Casque en métal doré ciselé, surmontés d'un panache de plumes d'autruche violet. Pendeloques en métal doré à l'arrière. Fait partie d’un ensemble de dix casques portés dans l’opéra « L’Africaine » (1865).
Les vitrines d’exposition dites « guignols », occupées
par les bijoux de l’Opéra, dans la galerie-musée du Palais Garnier (photo
Anaëlle Gobinet-Choukroun).
« L’air
des bijoux » première exposition d’une partie des bijoux de l’Opéra (3
juin - 3 octobre 2004).
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