mardi 22 mai 2007

Trésors de la peste noire

 
  Du 25 avril au 3 septembre 2007, le Musée National du Moyen Âge (6, place Paul Painlevé 75005 Paris) organise une exposition intitulée Trésors de la Peste noire : Erfurt et Colmar.
  Pour la première fois en France, le public peut admirer les plus beaux éléments de deux trésors découverts en Allemagne et en Alsace et enfouis à l'époque de la peste noire qui déferla sur l'Europe de 1347 à 1352. Le premier, constitué d'environ six cents pièces d'orfèvrerie et trois mille monnaies a été exhumé, en 1998, à l'occasion de travaux effectués dans l'ancien quartier juif d'Erfurt. Il est conservé à Weimar. Le second, découvert également lors de travaux, en 1863, dans le quartier juif médiéval de Colmar, est aujourd'hui partagé entre le Musée National du Moyen-Âge, à Paris, et le Musée d'Unterlinden, à Colmar. Ces deux découvertes apportent un précieux témoignage sur l'orfèvrerie profane au sein des communautés juives de l'Empire au XIVe siècle. 

  Nous nous arrêterons plus particulièrement sur les bijoux et éléments de parure de ces trésors, pour la plupart en argent, parfois doré, qui offrent un éventail assez représentatif de ce que les bourgeois du moyen âge aimaient porter : bagues, fermaux, ceintures, agrafes, boutons, appliques… On peut ainsi contempler une gamme variée de bagues (omniprésentes dans la parure médiévale), à chaton métallique ou formé d’une pierre enserrée dans une bâte (à bandeau lisse, à cupule dentelée, à griffes…); des fermaux, qui servent à fermer les vêtements, filigranés et enrichis de pierreries; des éléments de ceintures et un ornement de coiffure appelé "chapel". Et aussi tout un ensemble de petites pièces en métal (appliques, agrafes, boutons et affiques), destinées à être cousues sur les costumes, qui servaient aussi bien à le décorer qu'à le fermer ou à en ajuster certaines parties (col, manches….). Elles servaient également à agrémenter des accessoires tels que chapeaux, gants et aumônières et pouvaient adopter des formes très variées : rosettes, cœurs, fleurs de lis… 

  L'histoire nous apprend que ces bijoux étaient indifféremment portés par les hommes et les femmes, qui affichaient ainsi publiquement leur aisance. A tel point que les autorités tentèrent de juguler ces débordements de luxe en promulguant des ordonnances vestimentaires qui fixaient un nombre autorisé de bijoux et leur valeur maximale. Ainsi, une ordonnance de 1356, à Francfort-sur-le-Main, stipule-t-elle que hommes et femmes ne sont pas autorisés à porter plus de deux bagues, une broche en or ou en argent et une ceinture d'une valeur maximale d'un mark d’argent.


Fermail (seconde moitié du XIIIe siècle) Or, pierres, perles
 

Fermail (seconde moitié du XIIIe siècle)
Argent doré, pierres précieuses (améthystes et une pierre verte), corail

Appliques (fin du XIIIe siècle - 1er tiers du XIVe siècle) Argent doré, verre
Photo RMN - © Jean-Gilles Berizzi

Quatre bagues et un fermail (première moitié du XIVe siècle)
Photo RMN - © Jean-Gilles Berizzi





samedi 19 mai 2007

Les diamants de la Païva

 Jeudi 17 mai, à Genève, la maison Sotheby's a procédé à la vente de deux diamants exceptionnels. L'acheteur, resté anonyme et qui enchérissait par téléphone, les a obtenus pour 5,8 millions d'euros, soit presque le double du prix auquel ils étaient estimés. Ces deux précieuses pierres ont de quoi faire rêver. D'un jaune naturel assez rare, on ne connaît pas avec certitude la région géographique dont elles sont issues, soit l'Inde, soit le Brésil. Façonnées au XIXe siècle, elles ont conservé leur forme initiale. L'une, taillée en poire, pèse 82,48 carats et l'autre, taillée en coussin, 102,54 carats.
Mais plus encore que leurs caractéristiques, c'est leur provenance qui suscite le plus d'intérêt. Ces deux diamants ont appartenu à la Païva, figure légendaire de la société parisienne du XIXe siècle. Née à Moscou en 1819, de parents juifs polonais réfugiés en Russie, Esther alias Thérèse Lachman s'était établie à Paris, sous le second Empire. Mariée un temps au riche portugais Albino Franco Arnajo, marquis de la Païva – titre sous lequel elle défraya la chronique scandaleuse – elle habitait un extravagant hôtel particulier aux Champs Elysées, collectionnant amants et diamants. Ses bijoux rivalisaient, voire surpassaient, dit-on, ceux de l'impératrice. Elle mourut en Allemagne en 1884, s'étant unie en troisièmes noces au comte Guido Henckel von Donnersmarck. C'est dans la famille de ce dernier que l'on retrouve ensuite ces deux prestigieux bijoux, sans que leur cheminement, jusqu'à aujourd'hui, puisse être suivi avec précision. En 1878, le diamant de taille coussin a été porté en aigrette; celui en poire, monté en pendentif ou en bracelet, par la maison Chaumet, avant d'être converti en broche, en 1888, pour la princesse Katharina Henckel von Donnersmarck.


vendredi 18 mai 2007

Janvier-Gruson-Prat au pilon ?

  La société Janvier-Gruson-Prat va-t-elle disparaître à cause de tracasseries administratives ? Le Parisien et France Info rapportent en effet que, il y a quelques mois, cette vénérable maison a fait l'objet d'un rapport défavorable de la part de l'inspection du travail de Seine-et-Marne. En gros, il lui est reproché d'utiliser certaines machines anciennes qui présenteraient des risques sur le plan de la sécurité.

  Fondée en 1840, elle est spécialisée dans la fabrication d'estampés (selon la technique de l'estampage, du détourage, de l'ajourage et de l'emboutissage) en cuivre rouge ou en laiton principalement. Héritière d'une tradition plus que centenaire, elle détient une collection d'environ 120 000 modèles issus d'une dizaine d'ateliers parisiens, aujourd'hui disparus, dont les plus anciens remontaient au début du XIXe siècle. Inutile de dire que cette adresse – l'une des dernières en Europe à proposer un tel choix – est notoirement connue des professionnels de la bijouterie et de l'orfèvrerie ainsi que de nombreux métiers d'art. Le théâtre (Opéra de Paris), le cinéma (récemment Marie-Antoinette ou Astérix aux jeux olympiques), le monde du spectacle en général, ont largement, et depuis très longtemps, fait appel à cette extraordinaire réserve pour fabriquer décors et accessoires. La Bijouterie du Spectacle, quant à elle, n'oublie pas le sympathique accueil qui lui a toujours été réservé. Janvier-Gruson-Prat (qui commercialise ses produits en France sous la marque ARTMETAL et à l'étranger sous le label FRAMEX) possède un étonnant show room installé dans le quartier du Marais (17 rue Pastourelle, Paris 3e) dont la visite mérite le détour. Sous cet ancien hôtel particulier du marquis de Sabran s'étend un immense dédale de caves, véritable caverne d'Ali Baba, où s'entassent des milliers d'articles. Une pensée particulière à Lili, notre sympathique guide, qui a toujours su nous trouver la pièce filigranée ou similis, la bâte ou la galerie qui nous manquait. Il est également possible de découvrir les collections de cette maison sur internet : http://www.framex.net/.
Souhaitons que les marteaux pilons de Janvier-Gruson-Prat continuent encore à résonner longtemps.

mardi 15 mai 2007

Les bijoux de la cour de Bourgogne au Moyen-Âge


Cette petite étude, limitée dans le temps (XIVe et XVe siècles) et dans l'espace géographique (la cour de Bourgogne) constitue la première d'une série destinée à mieux faire connaître l'histoire des bijoux, en Europe, à travers les siècles.
Sous les règnes de Philippe le Hardi ou de Charles le Téméraire, les bijoux tenaient une grande place dans le luxe des parures féminines et masculines. Ils étaient exécutés en or, enrichis de pierres précieuses et souvent émaillés. Le blanc fut à la mode vers 1385-1400 et continua, par la suite, à être plus ou moins employé; le rouge et le vert, mêlés de blanc, lui succédèrent; puis un peu le bleu, du noir, du gris et du violet vers 1440-1460, et de nouveau du rouge clair et du blanc vers 1470-1480. A cette époque, les principaux types de bijoux – communs aussi bien aux hommes qu'aux femmes – sont le fermail, le collier, la bague et les patenôtres.
Les fermaux et fermaillets, qui correspondent à nos broches modernes, n'en diffèrent pas par la forme, mais par la taille. Au milieu du XIVe siècle, les fermaux de grandes dimensions, sont des anneaux circulaires, polygonaux ou en forme de cœur; ce dernier type se maintiendra d'ailleurs jusqu'à la Renaissance. Vers 1380-1390, on voit apparaître des plaques partiellement recouvertes d'émail et enrichies de pierres précieuses et de perles. Les motifs les plus fréquents sont les anges, angelots et séraphins, quelques saints, des femmes et des enfants assis dans des jardins, des fleurs (pensées, marguerites et roses), et surtout des animaux des forêts et des champs (chien, lévrier, cerf, lapin, écureuil, brebis alouette, perdrix, faisan, pigeon, aigle et autres oiseaux), enfin quelques bêtes sauvages (tigre, lion, panthère, ours) ou fantastiques (sirène et licorne). A côté de ce type on trouve également, pendant toute cette période, des fermaux à pierreries sans motif, comme le fermail de Trois Frères, composé de trois rubis célèbres, mentionné dans les inventaires des ducs de Bourgogne depuis 1420 et perdu par Charles le Téméraire à la bataille de Grandson, en 1476.
Les fermaux et fermaillets servaient aussi à pendre de petites boîtes reliquaires, des clés ou de minuscules miroirs, généralement suspendus par une chaînette; ils sont souvent portés avec des colliers et des écharpes, et placés sur les chaperons et les robes au gré de la fantaisie.
Le collier apparaît dans les dernières années du XIVe siècle et jouit d'une grande faveur aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Il est alors de grandes dimensions, tombant très bas sur la poitrine, souvent fixé sur une épaule par un fermail et ne s'appuyant pas sur le cou. Il est constitué par une large bande de métal, faite d'anneaux ou d'éléments variés, où sont enchâssées les pierres et suspendues les pendeloques. Les motifs qui forment la bande sont parfois empruntés aux plantes et émaillés : des cosses de genêt (pour plaire au Roi Charles VI dont c'était l'emblème), des marguerites, des fleurettes diverses, des feuilles de chêne, de petites pommes. Les pendeloques sont des perles groupées en "troches" ou isolées, des feuilles de métal branlant ou des clochettes. Les hommes ont porté des colliers de ce type jusque vers 1420-1430.
Les femmes ont raccourci progressivement les dimensions de leurs colliers, qui, vers 1420, au lieu de pendre sur la poitrine, étaient réduit à une bande placée au ras du cou, dans le décolleté de la robe, faisant valoir la blancheur de la peau. Vers 1460-1480, de nouveau large et n'enserrant plus le cou, tantôt enrichi uniquement de pierres précieuses et de perles, tantôt agrémenté de motifs émaillés en forme de lettres ou de fleurs, il comporte toujours des pendeloques, mais n'a plus de fermail apparent.
Un autre type de collier de femme est assez fréquent au milieu du XVe siècle : étroit, formé d'un seul fil de grains de métal, semé de pierres précieuses ou de perles, resserré au bas du cou, il soutien souvent un petit reliquaire dissimulé sous les vêtements.
Les chaînes d'or ou d'argent apparaissent à peu près en même temps que les colliers; elles comportent, comme eux, un décor émaillé, un fermail et des pendeloques souvent constituées par des clochettes ou des feuilles. Elles sont ensuite réduites à des mailles tordues, plus ou moins grandes, formant parfois une large bande et supportant un fermaillet, une croix ou un médaillon en forme de cœur ou de bulle, enrichis de pierres fines et de perles. Les mêmes médaillons et croix sont d'ailleurs souvent suspendus à un simple lac de soie. Vers 1460-1480, quand les femmes portent de larges colliers, les hommes se parent de grosses chaînes d'or sans décor.
Les bagues, quant à elles, ont à peu près les mêmes formes que de nos jours, mais sont portées à tous les doigts des deux mains y compris le pouce, et à toutes les phalanges. On les range dans des "doitiers", conservés dans des étuis de cuir. Le simple anneau est exécuté en métal précieux ou vulgaire, suivant le niveau social de celui qui le porte. A la Cour de Bourgogne, l'anneau d'or uni ou émaillé est le type des cadeaux faits aux serviteurs des princes.
Les bagues les plus répandues ont un chaton de pierrerie parfois agrémenté d'émail. On trouve surtout des diamants et des rubis, plus rarement les autres pierres précieuses et les perles; on utilise généralement qu'une seule pierre, mais les diamants peuvent être disposés en fleurs de plusieurs pièces ou être placés près de rubis. Le cabochon est très volumineux au XIVe siècle et traité en filigrane; beaucoup plus plat au XVe siècle, sa forme se rapproche alors de la chevalière moderne. L'anneau qui porte les pierres fines est en métal, or ou argent, travaillé au XIVe siècle de torsades, ciselé en damier, gravé de lettres d'amour, et, au XVe siècle, émaillé d'une ou plusieurs couleurs dessinant des fleurettes ou d'autres motifs.
Les patenôtres sont l'un des bijoux les plus en faveur à la fin du Moyen âge, dans toutes les classes de la société, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Ancêtres du chapelet, elles servent à réciter les prières, mais les dimensions n'en sont pas fixées; elles comportent un nombre de grains variable, de 30 à 60, correspondant aux Ave Maria, séparés de manière irrégulière par des "signaux" pour les Pater. Grains et signaux sont exécutés dans les matières les plus diverses : or, argent doré ou émaillé, ciselé et travaillé à la façon de Venise, perles, corail, musc enrobé de fils d'or, ambre blanc et jaune, jais, jaspe, calcédoine, cristal et même bois exotique; on n'emploie pas en général les pierres fines, froides au toucher, mais des matières qui se polissent bien et glissent facilement entre les doigts. Les éléments des patenôtres ont la forme de boules ou de boutons, mais les signaux peuvent être de petits tableaux d'or, des fusils ou des croix de Saint André. Les patenôtres sont souvent complétées par une petite croix pendante, un reliquaire ou un médaillon religieux d'or ou d'ambre, et agrémentées en outre de houppes de soie.
Parmi les bijoux féminins, on peut encore signaler : l'attache de manteau, sorte de lien fixé aux deux bords du vêtement, constitué par de nombreux éléments enrichis de pierreries ou par une cordelière dont seules les extrémités placées sur le manteau sont de métal; le doroir, galon chargé de perles et de pierres, disposé de manière symétrique au bord des coiffes ou des coiffures à cornes; Les ceintures, de cuir, de tissu, rehaussées d'armatures et d'appliques de métal, ou entièrement constituées de plaques de métal articulées; les troussoirs, servant à relever les robes, qui n'apparaissent que dans la seconde moitié du XVe siècle et se composent d'agrafes suspendues à des chaînettes.
Enfin, les princes sont souvent représentés par les miniaturistes avec une couronne sur leur chapeau. Mais il semble que ce soit un artifice des artistes pour distinguer le personnage et que, dans la vie réelle, l'usage de la couronne ait été réservé à quelques rares cérémonies officielles.

Bibliographie : Michèle Beaulieu et Jeanne Baylé, Le costume en Bourgogne de Philippe le Hardi à Charles le Téméraire (1364-1477) Paris, PUF, 1956.

lundi 14 mai 2007

Astérix aux jeux olympiques



En juillet 2006, Paris Match a publié, en avant première, quelques photos prises sur le tournage du film Astérix aux jeux olympiques, réalisé par Frédéric Forestier et Thomas Langmann. En tête d'une distribution prestigieuse (Gérard Depardieu, Clovis Cornillac, Benoit Poelvoorde…) Alain Delon y apparaît dans le rôle de César.

Achevée à l'automne 2006, cette importante production a été réalisée en grande partie en Espagne, au studio Ciuduad de la Luz, près d'Alicante. Sa sortie sur les écrans français est annoncée pour la fin janvier 2008. Bien évidemment, notre attention s'est immédiatement portée sur les costumes et leurs accessoires. Leur réalisation a été confiée à Madeline Fontaine qui, à notre connaissance, s'attaquait pour la première fois de sa carrière à la reconstitution de vêtements de l'antiquité. Si l'on en juge par les quelques photos que nous avons pu consulter, elle a su s'acquitter de cette tâche avec beaucoup de talent. Il n'est pas inutile de rappeler que Madeline Fontaine a débuté en "donnant un coup de main" à la costumière de L'été meurtrier, puis en travaillant avec Claude Berry sur Jean de Florette et Manon des sources, avant d'habiller les principaux films de Jean-Pierre Jeunet comme La cité des enfants perdus (1995), Le fabuleux destin d'Amélie Poulain (2001) et surtout Un long dimanche de Fiançailles (2004), pour lequel elle a obtenu un César. En ce qui concerne les bijoux dont sont parés les acteurs d'Astérix aux jeux olympiques (il faut voir les bagues, les bracelets manchettes et la couronne de lauriers de César) la costumière nous a confié avoir travaillé en collaboration par Jean-Patrick Godry, décorateur issu de la rue Blanche, qui a notamment œuvré à la Comédie Française puis chez Thierry Mugler. Les pièces qui ont été utilisées proviennent de différentes sources : louées à Paris et Rome, chinées au Maroc ou fabriquées sur place.