mardi 15 mai 2007

Les bijoux de la cour de Bourgogne au Moyen-Âge


Cette petite étude, limitée dans le temps (XIVe et XVe siècles) et dans l'espace géographique (la cour de Bourgogne) constitue la première d'une série destinée à mieux faire connaître l'histoire des bijoux, en Europe, à travers les siècles.
Sous les règnes de Philippe le Hardi ou de Charles le Téméraire, les bijoux tenaient une grande place dans le luxe des parures féminines et masculines. Ils étaient exécutés en or, enrichis de pierres précieuses et souvent émaillés. Le blanc fut à la mode vers 1385-1400 et continua, par la suite, à être plus ou moins employé; le rouge et le vert, mêlés de blanc, lui succédèrent; puis un peu le bleu, du noir, du gris et du violet vers 1440-1460, et de nouveau du rouge clair et du blanc vers 1470-1480. A cette époque, les principaux types de bijoux – communs aussi bien aux hommes qu'aux femmes – sont le fermail, le collier, la bague et les patenôtres.
Les fermaux et fermaillets, qui correspondent à nos broches modernes, n'en diffèrent pas par la forme, mais par la taille. Au milieu du XIVe siècle, les fermaux de grandes dimensions, sont des anneaux circulaires, polygonaux ou en forme de cœur; ce dernier type se maintiendra d'ailleurs jusqu'à la Renaissance. Vers 1380-1390, on voit apparaître des plaques partiellement recouvertes d'émail et enrichies de pierres précieuses et de perles. Les motifs les plus fréquents sont les anges, angelots et séraphins, quelques saints, des femmes et des enfants assis dans des jardins, des fleurs (pensées, marguerites et roses), et surtout des animaux des forêts et des champs (chien, lévrier, cerf, lapin, écureuil, brebis alouette, perdrix, faisan, pigeon, aigle et autres oiseaux), enfin quelques bêtes sauvages (tigre, lion, panthère, ours) ou fantastiques (sirène et licorne). A côté de ce type on trouve également, pendant toute cette période, des fermaux à pierreries sans motif, comme le fermail de Trois Frères, composé de trois rubis célèbres, mentionné dans les inventaires des ducs de Bourgogne depuis 1420 et perdu par Charles le Téméraire à la bataille de Grandson, en 1476.
Les fermaux et fermaillets servaient aussi à pendre de petites boîtes reliquaires, des clés ou de minuscules miroirs, généralement suspendus par une chaînette; ils sont souvent portés avec des colliers et des écharpes, et placés sur les chaperons et les robes au gré de la fantaisie.
Le collier apparaît dans les dernières années du XIVe siècle et jouit d'une grande faveur aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Il est alors de grandes dimensions, tombant très bas sur la poitrine, souvent fixé sur une épaule par un fermail et ne s'appuyant pas sur le cou. Il est constitué par une large bande de métal, faite d'anneaux ou d'éléments variés, où sont enchâssées les pierres et suspendues les pendeloques. Les motifs qui forment la bande sont parfois empruntés aux plantes et émaillés : des cosses de genêt (pour plaire au Roi Charles VI dont c'était l'emblème), des marguerites, des fleurettes diverses, des feuilles de chêne, de petites pommes. Les pendeloques sont des perles groupées en "troches" ou isolées, des feuilles de métal branlant ou des clochettes. Les hommes ont porté des colliers de ce type jusque vers 1420-1430.
Les femmes ont raccourci progressivement les dimensions de leurs colliers, qui, vers 1420, au lieu de pendre sur la poitrine, étaient réduit à une bande placée au ras du cou, dans le décolleté de la robe, faisant valoir la blancheur de la peau. Vers 1460-1480, de nouveau large et n'enserrant plus le cou, tantôt enrichi uniquement de pierres précieuses et de perles, tantôt agrémenté de motifs émaillés en forme de lettres ou de fleurs, il comporte toujours des pendeloques, mais n'a plus de fermail apparent.
Un autre type de collier de femme est assez fréquent au milieu du XVe siècle : étroit, formé d'un seul fil de grains de métal, semé de pierres précieuses ou de perles, resserré au bas du cou, il soutien souvent un petit reliquaire dissimulé sous les vêtements.
Les chaînes d'or ou d'argent apparaissent à peu près en même temps que les colliers; elles comportent, comme eux, un décor émaillé, un fermail et des pendeloques souvent constituées par des clochettes ou des feuilles. Elles sont ensuite réduites à des mailles tordues, plus ou moins grandes, formant parfois une large bande et supportant un fermaillet, une croix ou un médaillon en forme de cœur ou de bulle, enrichis de pierres fines et de perles. Les mêmes médaillons et croix sont d'ailleurs souvent suspendus à un simple lac de soie. Vers 1460-1480, quand les femmes portent de larges colliers, les hommes se parent de grosses chaînes d'or sans décor.
Les bagues, quant à elles, ont à peu près les mêmes formes que de nos jours, mais sont portées à tous les doigts des deux mains y compris le pouce, et à toutes les phalanges. On les range dans des "doitiers", conservés dans des étuis de cuir. Le simple anneau est exécuté en métal précieux ou vulgaire, suivant le niveau social de celui qui le porte. A la Cour de Bourgogne, l'anneau d'or uni ou émaillé est le type des cadeaux faits aux serviteurs des princes.
Les bagues les plus répandues ont un chaton de pierrerie parfois agrémenté d'émail. On trouve surtout des diamants et des rubis, plus rarement les autres pierres précieuses et les perles; on utilise généralement qu'une seule pierre, mais les diamants peuvent être disposés en fleurs de plusieurs pièces ou être placés près de rubis. Le cabochon est très volumineux au XIVe siècle et traité en filigrane; beaucoup plus plat au XVe siècle, sa forme se rapproche alors de la chevalière moderne. L'anneau qui porte les pierres fines est en métal, or ou argent, travaillé au XIVe siècle de torsades, ciselé en damier, gravé de lettres d'amour, et, au XVe siècle, émaillé d'une ou plusieurs couleurs dessinant des fleurettes ou d'autres motifs.
Les patenôtres sont l'un des bijoux les plus en faveur à la fin du Moyen âge, dans toutes les classes de la société, aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Ancêtres du chapelet, elles servent à réciter les prières, mais les dimensions n'en sont pas fixées; elles comportent un nombre de grains variable, de 30 à 60, correspondant aux Ave Maria, séparés de manière irrégulière par des "signaux" pour les Pater. Grains et signaux sont exécutés dans les matières les plus diverses : or, argent doré ou émaillé, ciselé et travaillé à la façon de Venise, perles, corail, musc enrobé de fils d'or, ambre blanc et jaune, jais, jaspe, calcédoine, cristal et même bois exotique; on n'emploie pas en général les pierres fines, froides au toucher, mais des matières qui se polissent bien et glissent facilement entre les doigts. Les éléments des patenôtres ont la forme de boules ou de boutons, mais les signaux peuvent être de petits tableaux d'or, des fusils ou des croix de Saint André. Les patenôtres sont souvent complétées par une petite croix pendante, un reliquaire ou un médaillon religieux d'or ou d'ambre, et agrémentées en outre de houppes de soie.
Parmi les bijoux féminins, on peut encore signaler : l'attache de manteau, sorte de lien fixé aux deux bords du vêtement, constitué par de nombreux éléments enrichis de pierreries ou par une cordelière dont seules les extrémités placées sur le manteau sont de métal; le doroir, galon chargé de perles et de pierres, disposé de manière symétrique au bord des coiffes ou des coiffures à cornes; Les ceintures, de cuir, de tissu, rehaussées d'armatures et d'appliques de métal, ou entièrement constituées de plaques de métal articulées; les troussoirs, servant à relever les robes, qui n'apparaissent que dans la seconde moitié du XVe siècle et se composent d'agrafes suspendues à des chaînettes.
Enfin, les princes sont souvent représentés par les miniaturistes avec une couronne sur leur chapeau. Mais il semble que ce soit un artifice des artistes pour distinguer le personnage et que, dans la vie réelle, l'usage de la couronne ait été réservé à quelques rares cérémonies officielles.

Bibliographie : Michèle Beaulieu et Jeanne Baylé, Le costume en Bourgogne de Philippe le Hardi à Charles le Téméraire (1364-1477) Paris, PUF, 1956.

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