vendredi 10 novembre 2023

L'Œil du dragon

   Ce soir, sur France 2, les bijoux de la Bijouterie du Spectacle seront à l'honneur dans le premier épisode de la saison 4 de la série Astrid et Raphaëlle avec Sara Mortensen et Lola Dewaere dans les rôles principaux. 

  Nos joyaux figurent dans une exposition (fictive) organisée à l'hôtel de Crécy, à Paris; Avec, comme pièce phare L'Œil du Dragon, un diamant exceptionnel de 53,25 carats. Mais le jour de l'inauguration le responsable de la sécurité est retrouvé mort, le crâne fracassé. Quant au diamant, il a mystérieusement disparu.







dimanche 2 juillet 2023

La mode des cordons de montres

  Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle on portait généralement les montres suspendues à des châtelaines. Progressivement, on remplaça ces attaches trop volumineuses par une chaîne ou cordon, plus facile d'emploi, qui permettait de ranger la montre dans un gousset. Vers les années 1780, ont vit commencer la mode - pour les hommes comme pour les femmes - de porter ces cordons par deux (un sur chaque cuisse). Extrêmement suivie dans les années 1785-1789, cette mode perdura pendant la révolution et même après. On plaçait les montres dans deux goussets cousus en haut du jupon ou de la culotte et on faisait pendre les chaînes auxquelles elles étaient attachées le long de la cuisse. On ne rangeait pas que des montres dans ces goussets, parfois aussi des médaillons à portraits ou des régulateurs (montres-boussoles). Ces cordons de montres étaient extrêmement variés : en or, en argent, en graines bleues des Indes (avec des olives d'acier taillées à facette), en rubans de satin ou de cuir de différentes couleurs (liés par des boucles d'or ou d'acier). A l'autre extrémité de chaque cordon pendaient généralement trois ou quatre breloques en or ou en argent (cachet, clef, clef-cachet, etc.).



Montres, cordons de montres et breloques (Collection Bijouterie du Spectacle)

Sans doute le seul point commun entre Marie-Antoinette et Robespierre, tous deux ont sacrifié à la mode de leur époque en portant deux cordons de montres.
A gauche, Marie-Antoinette peinte en 1785 par Adolf Ulrich Wertmüller.
A droite, Robespierre peint en 1791 par Labille-Guiard.







lundi 29 mai 2023

 

A propos de la pièce de corps

de Marie-Antoinette


  De tous les bijoux qu'a pu porter la reine Marie-Antoinette, il en est un qui surpassait tous les autres : sa pièce de corps en diamants. Tant par ses dimensions imposantes que par le nombre et la valeur des pierres précieuses dont elle était composée. Qu'était exactement une pièce de corps ? C'était un ornement d'orfèvrerie, de la forme d'un long triangle isocèle renversé, destiné à décorer le devant du grand corps (bustier) du grand habit d'étiquette. Cette pièce, réalisée en diamants, était en général constituée d'une série de nœuds ou boutons de différentes tailles, placés les uns au-dessus des autres, chacun au centre d'une frise terminée à ses deux bouts par un nœud ou un gland. Le dessin n'était pas toujours le même, selon les modèles, et offrait parfois un décor plus complexe et moins symétrique. La pièce de corps était l'élément central d'une parure de grand corps dont faisaient aussi partie des nœuds d'épaule, une ceinture, des pompons pour les manches et un trousse-queue. Au lieu d'être conservée dans la chambre de la reine, comme tous ses bijoux, cette parure était rangée dans la garde robe avec le grand habit auquel elle était cousue.

  Il est difficile de préciser exactement à quelles années remonte la conception de ce type de bijou qui semble avoir fait son apparition en même temps que les grands habits d'étiquette. Il en est fait mention parmi les joyaux possédés par la dauphine Marie-Josèphe de Saxe (1731-1767), seconde épouse du dauphin Louis (1729-1765). En l'occurrence une pièce de corps en diamants et pierres précieuses qui avait été créée par le joaillier Jean-Baptiste Leblanc pour la précédente dauphine, Marie-Thérèse d'Espagne (1726-1746). Bijoux exceptionnel considéré comme le plus bel ouvrage de joaillerie de son temps.

Dessin de la pièce de corps de la dauphine réalisée par le joaillier Leblanc

  Dès son arrivée en France, en 1770, Marie-Antoinette reçut de Louis XV tous les bijoux de Marie-Josèphe de Saxe, dont la fameuse pièce de corps. L'ensemble était estimé à plus de 1 700 000 livres. Il n'est pas certain qu'elle ait porté ce devant de grand corps, passé de mode, préférant sans doute un modèle plus à son goût. Une lettre d'Ange-Joseph Aubert, joaillier de la Couronne, nous apprend qu'en décembre 1773 il avait renvoyé à Versailles le bout de la pièce de corps de la dauphine, qu'il avait fait réparer. Au début de l'année 1775, alors que Marie-Antoinette devenue reine séjournait à Fontainebleau, celui-ci note encore - dans son livre journal - qu'il est allé lui présenter le dessin d'une pièce de corps.

  Il n'existe aucune description, avant 1782, de la pièce de corps que portait la reine. On peut l'imaginer assez semblable à celle qu'Aubert avait livrée à Madame du Barry, en novembre 1773. Chef d'œuvre d'orfèvrerie composé de 1013 diamants, montés à jour, dont le joaillier avait fourni les deux tiers pour 77 695 livres. Notamment un brillant en forme de pendeloque, fort, net et cristallin, posé à la pointe de la pièce; 2 brillants parfaitement égaux, nets et cristallins au bout des deux grandes parties du haut; 2 brillants nets et blancs aux bouts des deux autres parties du haut; 165 brillants placés dans les bandes de la pièce et 492 autres pour compléter l'ensemble. Mais la favorite n'eut guère le temps d'en profiter. Un an plus tard, après la mort de Louis XV, le nouveau roi l'exila à l'abbaye de Pont-aux-Dames. Son premier visiteur fut son joaillier qu'elle avait appelé pour qu'il revende sa parure de grand corps, estimée 450 000 livres. Après avoir vainement tenté de la faire acheter par la Cour de Turin, Aubert réussit à la vendre à Marie-Joséphine de Savoie, l'épouse du comte de Provence, frère de Louis XVI.

  En août 1782, Marie-Antoinette chargea son joaillier de refaire entièrement sa pièce de corps. L'ancienne fut démontée et on en conserva que les plus belles pierres, soit 795 brillants. Il restait encore 9207 brillants pesant 691 carats, dont certains étaient égrisés et glaceux, qu'Aubert crédita à la reine pour 57 644 livres. Le livre journal du joaillier de la couronne précise que les 795 diamants de la nouvelle pièce de corps étaient très gros, tous à mordaches et charnières dessous, de très grosses rosettes au milieu des bandes et de forts nœuds à chaque bout des bandes, auxquels pendent des glands formés de chatons brisés par des anneaux. Outre 5000 livres pour le remontage de la nouvelle pièce de corps, on paya 2700 livres à l'orfèvre-joaillier Jean-Joseph Rouen, pour la monture. Sans oublier l'écrin pour la ranger, payé 84 livres.

  Il est difficile d'affirmer si c'est cette nouvelle pièce de corps qui fut portée par la souveraine jusqu'à la révolution. Elle fut certainement réparée ou modifiée au cours des années suivantes. Le 26 mars 1784, par exemple, on note à son sujet une dépense de 48 livres pour avoir fait remonter un morceau de la pièce de corps où tient le bouton d'en bas qui était cassé.

Dessin d'une pièce de corps (XVIIIe siècle)

  En 1789, les bijoux de Marie-Antoinette l'accompagnèrent quand la famille royale quitta le château de Versailles pour s'installer au palais des Tuileries. Ce semblant de vie de cour n'empêchait pas la reine de se parer, selon les circonstances, des plus belles pièces de son écrin. Le 27 mai 1790, pour la grande messe de la pentecôte célébrée dans la chapelle des Tuileries, son habit était enrichi par dix des plus beaux diamants de la couronne - dont le Sancy - à l'éclat desquels s'ajoutait celui de sa pièce de corps en diamants.

  Sentant que leur situation devenait de plus en plus précaire, Louis XVI et Marie-Antoinette ne virent bientôt plus d'autre solution que la fuite. En mars 1791, en secret, la reine commença à préparer son départ. Aidée par Madame Campan, sa première femme de chambre, elle rassembla et rangea dans une boite tous ses bijoux de valeur. On n'oublia pas la pièce de corps de diamants qu'il était d'usage de laisser dans la garde-robe avec les autres bijoux du grand habit. Madame Campan demanda à la première femme des atours de la lui remettre discrètement. Ces préparatifs étant achevés, la femme de chambre de la reine dressa un inventaire des joyaux qui avaient été emballés avec, en tête de liste, la fameuse pièce de corps. Elle la décrit ainsi : Article 1er Une pièce de Corps composée de 7 boutons dont un en forme de poire, 6 rangs de chatons composés de 136 chatons et 12 glands, le tout en diamants.

  Quelques jours plus tard, emballée dans une toile cirée, la boîte contenant les diamants de Marie-Antoinette quitta clandestinement la France. Le comte de Mercy-Argenteau, à qui elle avait été confiée, la déposa au Trésor Royal, à Bruxelles, le mardi 15 mars 1791. Presque oublié pendant plusieurs années, le fabuleux trésor finit par être rapatrié à Vienne, en Autriche, où il fut remis à Marie-Thérèse, fille et héritière de Marie-Antoinette. Dès lors, on perd la trace de la plus grande partie de ces bijoux. Certainement dispersés, vendus ou transmis par héritage. Il y a peu de chance qu'on retrouve un jour la pièce de corps de la reine. La mode du XIXe siècle n'étant plus à ce genre de parure, il est probable qu'elle fut démontée et ses diamants vendus.

Maxime Jourdan



jeudi 6 avril 2023

Jeanne du Barry au Festival de Cannes

Le film Jeanne du Barry de Maïwenn, auquel nous avons eu le plaisir de collaborer, va faire l'ouverture du Festival de Cannes, le 16 mai prochain. Ce sera l'occasion de découvrir de nombreux et très beaux bijoux. Comme cette bague à portrait, créée dans l'esprit du XVIIIe siècle, ornée du profil de l'acteur Johnny Depp incarnant le roi Louis XV. Inspirée à la réalisatrice par cette photo d'une bague que le roi George III a offert à sa future épouse la princesse Charlotte de Mecklembourg-Strelitz, le 8 septembre 1761. Bague encore en possession de la famille royale britannique.






mercredi 5 avril 2023

Les bijoux de Lakmé


  La Bijouterie du Spectacle possède dans ses collections une boîte en bois portant l'inscription manuscrite Tiare de Lakmé. On ne l'ouvre que rarement et avec précaution. Dans sa boîte d'origine, se trouve une parure composée d'une tiare conique décorée de perles et de pierres en verroterie, d'un collier de perles blanches et dorées supportant des lotus de pierreries et de deux paires de bracelets en laiton doré. Tous ces bijoux ont été créés au printemps 1891 par la Maison Gutperle dont nous conservons une partie du fonds. On retrouve par ailleurs, dans les archives de cette Maison, l'enregistrement de cette commande accompagnée du dessin qui a servi à la fabrication du collier. Ces trois bijoux ont spécialement été réalisés pour la soprano suédoise Sigrid Arnoldson (1861-1943) pour son rôle-titre de Lakmé, le célèbre opéra de Léo Delibes.

Bijoux créés en 1891 pour la reprise de Lakmé à l'Opéra-Comique

Tiare créée pour Lakmé en 1891

Collier créé pour Lakmé en 1891

  Créé le 14 avril 1883 à l'Opéra-Comique de Paris, Lakmé, qui figure parmi les dix titres français les plus joués au monde, a connu un succès immédiat. En 1887, on prépare sa centième à la salle Favard. C'est alors que se produit une terrible tragédie. Le 25 mai, en pleine représentation du drame d'Ambroise Thomas Mignon, un incendie éclate, provoqué par l'éclairage au gaz de la scène. Très rapidement il embrase toute la salle, faisant quatre-vingt-quatre victimes dont quatorze membres de la troupe et du personnel. En attendant la reconstruction, l'Opéra-Comique s'installe provisoirement au Théâtre des Nations (actuel Théâtre de la Ville), place du Châtelet.

Registre des commandes de la Maison Gutperle, Collection Grafische Sammlung Stern

  A cette époque la jeune soprano Sigrid Arnoldson, 26 ans, qui commence à être connue, signe avec l'Opéra-Comique pour une nouvelle série de représentations de Mignon pour la saison 1887-1888. Léon Carvalho, le directeur de l'Opéra, songe déjà à elle pour une reprise de Lakmé. Durant l'hiver 1887, il lui fait rencontrer Léo Delibes, lequel, enchanté par sa prestation, décide de lui faire travailler lui-même le rôle.

  Mais le destin semble vouloir contrarier la retour de Lakmé à l'Opéra-Comique. Les années 1888-1891 sont en effet marquées par une longue succession de décès au sein de la troupe ayant participé à sa création. Souffrant de surmenage, Edmond Gondinet (co-auteur du livret de Lakmé) s'éteint en 1888. Léo Delibes (le compositeur), Claude Chenevière (ténor et interprète d'Hadji), Auguste Baille (chef de chant), Charles Ponchard (directeur de la scène), Jean-Baptiste Lavastre (décorateur), succombent tous durant l'année 1891. Jean-Alexandre Talazac, ténor et créateur du rôle de Gérald - l'amoureux de Lakmé - meurt à 39 ans, en 1892, au terme d'une longue maladie. Sigrid Arnoldson elle aussi n'est pas épargnée. Le 9 octobre 1887, Maurice Strakosch, son imprésario, décède brutalement d'une embolie après avoir consacré une partie de la journée à la faire répéter.

Sigrid Arnoldson dans le rôle de Lakmé
Photo Studio Nadar, 1891

  En 1891 l'Opéra-Comique est enfin prêt à reprendre Lakmé. Un contrat est signé avec Sigrid Arnoldson, qui connaît bien le rôle pour l'avoir joué avec succès en province et à l'étranger. Les répétitions débutent le 15 avril et se poursuivent jusqu'au 4 mai. A la demande de la soprano, on a repoussé la première au mercredi 6 mai. Mais la veille, coup de théâtre, son mari l'imprésario Alfred Fischhof se présente au théâtre et annonce qu'elle sera dans l'impossibilité de se produire le lendemain. C'est la panique. En toute hâte on fait répéter une jeune chanteuse, Jeanne Horwitz, qui par hasard se trouve sur place et a parfois interprété Lakmé. C'est cette dernière qui est sur scène le jour de la 100ème. La presse, étonnée, évoque une "indisposition" de Sigrid Arnoldson qui, au cours des représentations suivantes, restera irrémédiablement invisible. Le mystère ne sera jamais levé sur les causes réelles de cette étrange défection. On est tenté de faire le rapprochement avec le même événement arrivé huit ans auparavant, en 1883, lors de la création de Lakmé. Quelques jours après la première, la soprano d'origine américaine Marie van Zandt - qui a le rôle principal - informe la direction qu'elle est souffrante et qu'elle ne pourra pas jouer en soirée. Elle utilise semblable excuse deux semaines plus tard, alors que le soir-même elle est aperçue dans une soirée mondaine.

  Sigrid Arnoldson réapparait cependant sur la scène de l'Opéra-Comique en juin, non pas dans l'œuvre de Léo Delibes mais pour huit représentations de Mignon. Au mois de novembre, de retour en Suède, elle triomphe dans le rôle de Lakmé au Grand Opéra Royal de Stockholm. Le roi Oscar de Suède, qui a assisté au spectacle, l'invite dans sa loge pour lui remettre la rare décoration de l'ordre Litteris et ArtibusLe public la reverra enfin sur la scène de l'Opéra-Comique, le 4 mas 1892, où elle fera sa rentrée pour la 145ème de Lakmé.

Maxime Jourdan

Sigrid Arnoldson portant la tiare de Lakmé
Photo Studio Nadar, 1891

Sigrid Arnoldson portant la parure de Lakmé
Collection Bijouterie du Spectacle