dimanche 17 février 2019

Histoire d'une fausse Toison d'Or



Depuis mars 2014 le Flipje and Streekmuseum de Tiel, en Hollande, était très fier de présenter à ses visiteurs une toison d'or du XVIe siècle en or massif. Exposée sous très haute sécurité et assurée pour 100.000 € elle constituait, du fait de sa rareté, une des pièces maîtresses de ce musée. C'est son propriétaire, un généreux collectionneur américain, qui avait spontanément décidé de la prêter au musée, tout en assurant qu'elle avait déjà été montrée en 2010 et expertisée par Morton & Eden à Londres. Selon lui, cette toison d'or aurait été exhumée à Tiel, en 1970, lors de fouilles effectuées dans les fondations d'une vieille demeure. Tous ces éléments ont même permis de supposer que ce précieux bijou aurait pu appartenir au chevalier Claes Vijgh et daté plus précisément de 1559.

Or, il y a quelques mois, en examinant plus attentivement la toison, Johan Langelaar, de la société ArcheoCare (spécialisée dans la restauration et la conservation d'objets en métaux anciens), remarqua qu'elle présentait de curieuses taches à sa surface. Ce qui était inconcevable si l'objet avait été réalisé dans un métal précieux comme l'or. En y regardant de plus près, il s'aperçut que la toison était beaucoup trop légère pour être en or massif. Le pendentif fut alors confié à l'Agence du patrimoine culturel qui, après des analyses approfondies, conclut qu'il était en laiton recouvert d'une fine couche de dorure. Non seulement il n'était pas en or mais, de surcroît, semblait avoir été fabriqué à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle.

Grâce à l'énergie et à la ténacité de Karin Abelskamp, archéologue, co-fondatrice de la société ArcheoCarel'enquête sur l'origine de la toison allait rapidement progresser. En surfant sur le net elle découvrit que la toison prêtée au musée avait une ou peut-être plusieurs sœurs jumelles localisées en France. En l'occurrence dans les collections de la Bijouterie du Spectacle, à Paris. C'est ainsi qu'à l'automne 2018 elle prit contact avec nous et réussit à nous convaincre de lui confier une de nos pièces. Une première pour notre société qui n'a pas pour habitude de faire voyager aussi loin ses bijoux les plus anciens. L'expédition ne fut pas sans soucis. Le colis postal contenant notre toison fut bloqué dès son arrivée aux Pays-Bas - vraisemblablement par la douane de ce pays - et resta ainsi en transit pendant près de trois semaines. Enfin, quand le paquet fut parvenu à destination les chercheurs purent comparer les deux toisons et affirmer, d'une façon certaine, qu'elles étaient identiques et de la même époque.

Une conférence de presse a été organisée le 14 février dernier, au cours de laquelle toute l'histoire de la découverte de cette fausse toison d'or a été rendue publique. A cette occasion, pour la première fois les deux bijoux ont été présentés côte à côte, démontrant à l'évidence leur parenté.

Nous aurons l'occasion de revenir sur les tribulations des différentes toisons d'or que possède la Bijouterie du Spectacle. Nous en avons de plusieurs types. Mais celle dont il est ici question a un parcours bien connu. Il s'agit d'une pièce réalisée autour des années 1880-1910 par la société Le Blanc-Granger & Gutperle. Maison plus que centenaire (fondée en 1824), cette dernière a cessé toutes ses activités dans la seconde moitié du XX siècle, nous laissant tout ce qui restait de ses productions. Grâce à Stefan Stern, un collectionneur passionné qui a sauvé une partie du fonds des dessins préparatoires de ce fabriquant, nous avons même pu retrouver le dessin qui a servi de modèle pour la création de cette toison.
Maxime Jourdan

Collection Grafische Sammlung Stern

Collection Grafische Sammlung Stern











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